|
"Aquarêve"
est un labyrinthe apprivoisé grâce à ce fil d'Ariane,
l'outil de navigation, dont à tout moment on peut
se servir, où l'on se perdrait avec délice, comme
autrefois ces amateurs de jardins aimaient à le faire
dans certains parcs. Est-ce dû aux aquarelles qui
enclosent l'espace, de la Grèce à la Dordogne, comme
les aimables frontières d'un jardin ?
A la voix du peintre que relaie celle de l'eau ou
du vent dans les frondaisons ?
Non, je crois que là encore tout le plaisir tient
à cette espèce de mystère qu'on croit pouvoir lever
à tout instant parce que justement il est léger, allusif
et de même nature que l'aquarelle, ce mystère, cette
pointe qui aiguillonne notre curiosité qui l'intrigue
au sens où une fiction intrigue, où une fiction est
une intrigue. "Aquarêve" ne serait-il pas
une fiction qui ne s'avoue pas ?
Partant de là, "Aquarêve" est une histoire,
peut-être celle de l'artiste, non pas dans une perspective
étroitement historique, mais vivante, mais immédiate
et qui raconte donc d'une manière polyphonique quelque
chose qui ne serait peut-être rien d'autre que la
nostalgie. Cette nostalgie qui est au coeur même des
choses qu'on regarde et dont l'appropriation, quand
elle est possible, constitue un lot de consolation.
Et on se console comme on peut, avec les moyens que
l'on a, aussi chacun arrache-t-il une herbe au bord
du chemin qui, de toute façon, fanera ; pour les uns
ce sera un objet factuelle, le Mont-Saint-Michel et
ses éternités de neige, un coquillage ramassé sur
la plage, pour d'autres ce sera une peinture de paysage,
l'aquarelle en l'occurence qui saisit deux choses
à la fois: l'intemporalité massive d'une montagne
et la fugacité de l'éclairage, de la lumière qui l'inonde,
à un moment donné.
Mont-Saint-Michel, coquillage, aquarelle, ayant effectué
le voyage du retour au foyer deviendront, graduellement
des images, comme si la vocation première du monde
d'aujourd'hui était celle-là: fabriquer des images,
des images à toute vitesse qui laissent sur place
ce monde qu'elles sont sensées représenter, et qui
noient sous leur prolixité la peinture. Et si la peinture
est parfois cet essai quelque peu dérisoire de vouloir
imposer une image-souvenir, comme on tenterait d'imposer
son opinion au milieu d'un tumulte, si la peinture
est le geste même de la nostalgie, Aquarêve ne serait-il
pas le carré de cette nostalgie? La nostalgie qui
se rêve?
Texte de
Jacky BEASLAY
|
|